C’est en plein milieu d’un récent entretien avec deux entrepreneurs que j’ai eu l’idée du texte que je partage avec vous aujourd’hui. Parce que franchement, on n’en parle pas assez.
Les deux partenaires me parlaient de leur plan d’affaires pour la phase 2 de leur entreprise et de leur vision à long terme. Je les écoutais se renvoyer naturellement et agréablement la balle; ils étaient en harmonie. Ils partagent à la fois des compétences complémentaires et une passion commune. Pour être honnête, j’étais émue et je les trouvais « beaux à voir aller ».
Témoin de ce beau moment, mais en même temps très réaliste, je n’ai pu m’empêcher de m’exclamer : « Messieurs, j’espère que vous avez une bonne convention entre actionnaires, parce que votre amitié semble vraiment précieuse! »
Les amis, la famille et les affaires
On entend souvent dire que les amis et la famille ne font pas bon ménage avec les affaires. Je suis plus ou moins d’accord. En réalité, ce sont les mêmes enjeux que pour l’amour et l’argent : rédigez une entente en bonne et due forme, et ce, alors que le ciel est au beau fixe, avant qu’un nuage n’apparaisse à l’horizon.
Une convention, oui, et est-ce la bonne pour vous?
J’accompagne régulièrement mes clients dans la réflexion entourant leur convention entre actionnaires. Bien sûr, les aspects légaux doivent être revus par un conseiller juridique (notaire ou avocat). Mais mon expérience de 15 ans auprès de chefs d’entreprise m’a démontré que, bien sûr, il est primordial d’avoir une convention, mais qu’encore faut-il que ce soit la bonne.
Revenons à mon coup de cœur entrepreneurial de la semaine. Les partenaires m’ont répondu qu’ils avaient bien une convention. Je les ai félicités. Et vous vous doutez ce que je leur ai répondu. « Vous savez quoi? J’ai hâte de la lire parce qu’il y a 8 chances sur 10 qu’elle ne soit pas bonne. Probablement correcte, et peut-être même très moche. » Alarmiste? Non, réaliste. Ça a le mérite d’être clair. J’ai trop souvent croisé des conventions entre actionnaires inadéquates.
Les pièges d’une convention entre actionnaires
Voyez-vous, on rencontre plusieurs pièges lors de la préparation d’un tel document. Les voici.
Convention sur Internet…
Tout d’abord, les modèles gratuits trouvés sur Internet, ou encore les conventions achetées en ligne : de grâce, ne signez jamais un document légal que vous ne comprenez pas parfaitement. Malheureusement, c’est souvent ce que j’ai pu constater dans les cas que j’ai rencontrés.
Signer une entente inadaptée et incomprise.
Ensuite, n’allez pas chez votre conseiller juridique sans vous être d’abord bien instruit. Plusieurs de mes clients m’ont expliqué s’être fait demander, par leur notaire ou leur l’avocat, ce qu’ils « voulaient ». Mais sans de bonnes connaissances du sujet, il vous est difficile de comprendre les options très techniques et légales qu’ils vous expliquent. De plus, de nombreux entrepreneurs (surtout ceux en démarrage) m’ont confié avoir voulu éviter d’étirer le temps (donc le montant de la facture). Ils ont donc fini par signer une convention correcte, mais pas parfaitement adaptée ou même comprise.
Une convention non signée de toutes les parties.
Des clients m’envoient régulièrement des « projets » de convention. Avec toutes leurs bonnes intentions, les partenaires ont pris le temps d’amorcer le processus, mais ne se sont pas rendus au bout et ne l’ont jamais signée. Elle ne vaut donc rien et ne protège personne. Et si une situation fâcheuse s’était pointée entre temps? Imaginez la belle chicane!
Négliger la mise à jour annuelle et une méthode claire.
Un dernier piège que je tiens à souligner : la fameuse annexe de la juste valeur marchande des actions. Cette dernière doit théoriquement, dans plusieurs conventions, être mise à jour annuellement. Soyez francs. Si votre convention a été signée il y a 10 ans, combien de fois depuis avez-vous procédé à sa mise à jour?
Si vous deviez ne retenir qu’un seul conseil de cet article, je vous recommanderais celui de consacrer un peu de temps à choisir vous-mêmes, au moment de la signature de la convention, une méthode claire. Elle vous évitera de devoir vendre vos actions à une valeur comptable. Peu importe la situation qui engendrera le rachat des actions, vous aurez ainsi tout simplement à y ajouter les données à jour.
Votre planificateur financier pour vous accompagner dans le processus.
Puisque comme chef d’entreprise votre principal rôle n’est pas de devenir un expert dans toutes les matières, collaborer avec un planificateur financier vous permettra de faire une réflexion préalable à la rédaction de votre convention ou à sa mise à jour.
Il est beaucoup plus simple de d’abord établir les volontés et objectifs de chacun des actionnaires, de détailler les particularités de l’entreprise et son futur potentiel. Le tout, pour ensuite confier à un conseiller juridique la préparation de la convention avec un mandat clair.
Je précise que nous ne remplaçons pas l’avis juridique. Nous accompagnons les entrepreneurs dans l’étape préliminaire en augmentant leur niveau de connaissances sur la convention unanime des actionnaires, puis en voyant avec eux les impacts financiers de différentes situations. Ils font ainsi des choix éclairés.
Discussions préparatoires à une convention adaptée.
Voici quelques exemples de discussion à prévoir avec votre planificateur financier lors des rencontres préparatoires à la révision ou à la signature d’une première convention.
- Seriez-vous éventuellement ouverts à accueillir un nouvel actionnaire? Cette question est cruciale, car les pourcentages détenus par les deux actionnaires changeront et modifieront la balance du pouvoir.
- Quelles décisions pouvez-vous prendre seul à titre d’administrateur de la compagnie, et quelles sont celles qui doivent être prises par le conseil d’administration?
- Quelles sont vos tâches respectives dans l’entreprise?
D’un point de vue financier, mon rôle en tant que planificatrice financière est aussi d’expliquer certaines situations qui pourraient mettre en péril la santé financière de l’entreprise. La convention doit tenir compte du flux de trésorerie et de l’étape où en est rendue l’entreprise.
- Pendant combien de temps allez-vous vous verser un salaire en cas d’incapacité des actionnaires de générer du revenu à la suite d’un accident ou d’une maladie? Après combien de temps rachetez-vous ses parts?
- En cas de décès, comment allez-vous financer le rachat des actions décrit dans la convention pour « sortir » rapidement la succession de l’entreprise?
- En cas de vente du vivant, comment se financera la vente des actions? A-t-on prévu une balance de vente? Etc.
- Quelle méthode retenez-vous pour évaluer les actions?
- Quelles seront les pénalités si la clause de non-sollicitation ou la clause de non-concurrence n’est pas respectée?
Et ainsi de suite. Bien entendu, il y a beaucoup à penser. Voilà pourquoi bien vous entourer vous sera non seulement bénéfique, mais vous évitera bien du stress et des mauvaises surprises.
En conclusion
Si vous avez signé votre convention il y a un bon moment, je rêverais d’en faire la lecture avec vous et de vous inviter à répondre à un petit quiz pour savoir si vous la comprenez bien. 😊
Je dis souvent que je suis une forme de traductrice, autant pour tout ce qui concerne les relevés de placements que pour les documents légaux. Rien de mieux qu’une convention signée devant un bon conseiller juridique après des discussions financières et stratégiques élaborées avec votre planificateur financier. Vous aurez alors « pour le meilleur… et le meilleur! ».