S’incorporer ou privilégier l’entreprise individuelle? Je suis prête à parier que certains entrepreneurs choisissent l’incorporation (constitution en personne morale) pour les mauvaises raisons, parfois juste pour pouvoir dire qu’ils ont une compagnie (c’est bien plus cool, n’est-ce pas?). À l’inverse, sans le savoir, d’autres gagneraient vraiment à passer d’un statut de travailleur autonome (entreprise individuelle) à une société par actions (compagnie). Êtes-vous sur le bon cheval? Inc. : être ou ne pas être, là est la question!
Taux d’imposition : entreprise incorporée vs individuelle
Vous savez sûrement que les sociétés par actions (inc.) bénéficient d’un taux d’imposition avantageux. En 2018, le taux en vigueur, pour les sociétés ayant droit à la déduction pour petites entreprises, est de 18 % (jusqu’à concurrence d’un revenu de 500 000 $). Le taux régulier est de 26,7 %.
Les entreprises individuelles sont, quant à elles, imposées aux mêmes taux progressifs qu’une personne salariée. La seule différence est que le travailleur autonome doit payer plus cher pour la RRQ et le RQAP, devant assumer les parties employé et employeur.
Au Québec, pour bénéficier du « petit taux », l’entreprise doit rémunérer au moins 5500 heures par année. Cette déduction est diminuée de façon linéaire entre 5500 et 5000 heures par année, pour devenir nulle à moins de 5000 heures.
Quand l’incorporation désavantage.
D’un point de vue fiscal, l’efficacité réelle de l’incorporation dépend de votre revenu gagné dans la compagnie par rapport à votre budget personnel. Je m’explique. Si vous avez besoin de tous vos revenus d’entreprise pour payer vos dépenses personnelles, et que, de surcroît, vous vous payez au moyen d’un salaire (plutôt que de dividendes), l’incorporation pourrait bien vous coûter plus cher. Eh oui! Car vous ajouterez l’impôt corporatif à votre impôt personnel. Le principe de l’intégration fiscale l’explique bien – la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) étant théoriquement conçue pour que vous ne payiez ni plus ni moins d’impôts, avec ou sans corporation.
Mais, comme ce principe est théorique, il n’est pas parfait! Ainsi, une bonne analyse de votre situation financière et fiscale devient très importante.
Quoi analyser avant de s’incorporer
De nombreux éléments peuvent faire pencher la balance et doivent être pris en compte lors de l’analyse, avant même de s’incorporer :
- votre âge,
- votre profil de tolérance aux risques,
- l’historique de votre compagnie,
- votre style de vie,
- le revenu de votre conjoint(e),
À moins que vos motivations soient de l’ordre du paraître, ne passez surtout pas par-dessus cette étape cruciale pour votre avenir financier.
S’incorporer est avantageux si…
Vous avez un profil entrepreneur et vous ne voulez pas compter sur les programmes sociaux, comme la RRQ ou le RQAP? La rémunération par dividendes devient une option intéressante pour vous et favorise l’incorporation. Les dividendes sont traités fiscalement de façon plus favorable que le salaire, notamment lorsqu’on considère l’IMRTD (impôt en main remboursable au titre de dividendes), mais doivent être versés à partir des bénéfices nets de la compagnie.
Si vos bénéfices sont importants, vous pouvez aussi verser un dividende libre d’impôts à une société de portefeuille (communément appelée holding, en bon français) et ainsi y effectuer vos investissements. Votre secteur d’activités est aussi à considérer : la possibilité de vendre vos actions et de bénéficier de l’exonération en gain de capital pourrait aussi favoriser l’incorporation.
Avantage légal : protection des actionnaires
Un des principaux avantages de l’incorporation est au point de vue légal. La société étant une personne morale distincte, l’incorporation protège personnellement les actionnaires face à d’éventuelles poursuites en cas de problèmes de la société. Malheureusement, dans le cas des petites entreprises, cet avantage est souvent dilué par le fait que les actionnaires se font exiger par leurs créanciers d’endosser personnellement leurs emprunts…
Créer une compagnie via Internet?
De grâce, ne tentez pas de créer vous-même votre compagnie par le biais de sites qui vantent la possibilité de le faire en ligne! C’est tentant, puisque vous éviteriez des frais, mais gardez en tête que vous risquez de passer à côté d’éléments importants et de réflexions utiles. Ce n’est pas pour rien si des professionnels s’y sont spécialisés!
Privilégiez des spécialistes pour votre société
Un spécialiste, idéalement avocat ou fiscaliste, est le mieux placé pour vous soutenir dans la constitution d’une société par actions. Rappelez-vous qu’il s’agit notamment de vous protéger en tant que personne. Par ailleurs, les états financiers de l’entreprise devront idéalement être préparés, ou à tout le moins vérifiés, par un comptable. Ainsi, des frais administratifs et honoraires supplémentaires sont à prévoir lorsque vous choisissez l’incorporation. Et puis, si vous exercez déjà vos activités en tant qu’entreprise individuelle, vous pourriez subir des impacts fiscaux lors du transfert vers la nouvelle compagnie. Une planification financière vous soutiendra.
En conclusion, plus l’entreprise est petite et nouvelle, plus la ligne est difficile à tracer. Revenus, dépenses, budget personnel, salaire ou dividendes, impacts, alouette… Qu’en pensez-vous? Sauteriez-vous d’un cheval les yeux fermés? Faites d’abord et avant tout analyser votre situation pour éviter d’y perdre au change!
très utile ce billet. merci
Tout le plaisir est pour moi cher lecteur !
Très intéressant, merci beaucoup!
Bonjour Sandy
Qu’en est il du cas des médecins qui s’incoporent?
Merci
Daniel